
Je courrais derrière lui, fine silhouette surexcitée à l'idée de me faire voir ses différents lieux de vie. Kazuya avait décidé de m'emmener voir son université aujourd'hui, et je n'avais eu d'autres choix que de libérer mon après-midi normalement destinée à travailler pour le suivre. En réalité, ça ne me dérangeait pas plus que ça. Et il avait promis de m'aider à trouver du boulot par la suite. Alors j'avais accepté.
Il avait fini les cours à midi, et il avait été convenu qu'on se retrouve à la sortie du métro, pour qu'il m'emmène. Après tout, je n'avais aucune idée de l'endroit où se trouvait Tôdai. Ce n'était pas le genre de choses que je fréquentais, en tant que salarié moyen se contentant du minimum. Il marchait à vive allure depuis au moins dix minutes et mes jambes encore engourdies par le sommeil avaient du mal à suivre le rythme. Il avait « des amis à me présenter. » Et, malgré le fait que j'étais un peu anxieux, cela me faisait sourire. Il essayait vraiment de m'intégrer à son monde. Cependant, la foule n'avait jamais été l'endroit où je me sentais le mieux. Aussi l'idée de rencontrer des gens qui le fréquentaient depuis bien plus longtemps que moi me rendait un peu perplexe.
Nous arrivâmes finalement devant son université. C'était impressionnant. Les bâtiments étaient interminables, des milliers de personnes dévalaient les escaliers d'un côté à un autre, un brouhaha incessant se formait lorsqu'on s'en approchait. Alors c'était ça, la vie dont je rêvais plus jeune. Me fondre dans la masse d'étudiants, avoir une énorme bande d'amis, vivre ma vie comme il se devait. J'aurais aimé l'avoir fait.
- Ça en jette, hein ?
- Ça doit être génial d'y être.
- En apparence. En vérité, c'est extrêmement chiant.
Il m'adressa un léger sourire et partit en direction d'un groupe de gens, m'intimant d'un bref mouvement de tête de le suivre. Ses amis lui ressemblaient. Tous un sourire planté sur le visage, les yeux étincelants. Ils incarnaient la joie de vivre comme jamais. Un silence s'installa alors qu'il plaisantait avec eux.
- Voilà, Jin, mon colocataire.
- Enchanté, fit un brun aux cheveux courts. On a beaucoup entendu parlé de toi.
- Ah oui ?
- Tais toi, le réprimanda Kazuya, l'air gêné.
- Quoi, c'est vrai non ?
Ils acquiescèrent tous et Kazuya baissa la tête. J'éclatai de rire. C'était assez plaisant de savoir qu'il parlait souvent de moi aux gens qui l'entouraient. Alors qu'ils discutaient tous entre eux, il me lança un sourire. Ses yeux brillaient.
- Et tu viens d'où au fait ? Me lança une jeune fille les accompagnant.
- Toyohashi.
- Oh, c'est là que mes grands-parents habitent, sourit-elle.
Je lui rendis son sourire et Kazuya s'immisça dans leur conversation. Je restai un peu à l'écart, observateur. Son comportement changeait en société. Comme s'il faisait semblant, en quelques sortes.
Une jeune femme vint troubler l'ambiance festive de la scène qui se déroulait sous mes yeux.
- Kamenashi-san ! C'est Kamenashi-san !
L'intéressé se retourna vivement et baissa la tête en voyant l'air euphorique de la fille qui courrait en sa direction. Elle était grande, très fine, les cheveux remontés en un chignon liant sa chevelure ébène. Il sourit discrètement, ses amis ricanèrent.
- Ne, ne, tu pourrais donner ça à ton père ?
- Euh, je ...
- S'il te plaît ! Je sais qu'il recherche des gens en ce moment.
- Je lui donnerai. Mais ne me harcèle pas pour connaître la réponse.
- J'attendrai !
- Ouais, t'attendras ...
Elle adressa un dernier sourire à Kazuya et s'en alla.
- Elles ont toutes de l'espoir ici, rit un dénommé Takeru.
- Quand c'est pas pour me dire qu'elles m'admirent, c'est pour faire partie du staff.
- Sale vantard.
- C'est la vérité ! Pouffa t-il.
A vrai dire, il n'osait pas me regarder depuis l'apparition de la fille. Il passa la lettre dans sa poche et continua de discuter. J'allumais une cigarette.
- Je dois aller faire un truc. Je reviens, fis-je simplement avant de m'en aller.
- A bientôt, Jin-kun, dit en souriant le premier qui m'avait adressé la parole.
- Ne Jin, attends !
Il me rattrapa par le poignet et son regard croisa à nouveau le mien. La fumée s'échappant de ma bouche atteignit le haut de son crâne alors que je m'affairais à ne pas la lui souffler en plein visage.
- Reste.
- Je dois juste aller faire un truc. On se revoit plus tard, d'accord ?
- Ils t'ennuient ? Tu veux qu'on parte ?
- Kame, tout à l'heure. Tu dois m'aider pour trouver un boulot, je te signale, souris-je.
Il sourit à son tour et après m'avoir fait promettre de revenir, il retourna voir sa bande d'amis alors que je m'éloignais.
Qui étais-je, au juste ? Qui étais-je devenu ? Qu'étais-je en train de penser, en train de ressentir ? J'étais. Un être incapable de le briser. Je fus. Une ignoble personne capable d'émietter le coeur de tellement de gens avant lui pour effacer ses regrets. Qui finirai-je par être ? Un mélange des deux ? La cigarette pincée entre mes lèvres s'écrasa sur le sol et dans un soupir exaspéré, j'en allumai une autre. Infâme nicotine, addiction interminable. Et lui, qui était-il, au juste ? La confusion s'emparait de mon cerveau et j'étais totalement incapable de discerner quoique ce soit.
La récente normalité de ma vie semblait s'enfuir à grands pas.
Mes démons referaient bientôt surface. J'allais redevenir cet être exécrable, cet horrible félin se jouant des sentiments. Parce que je connaissais parfaitement ce côté caché de ma personne que je m'affairais à dissimuler depuis mon arrivée. J'ai toujours eu besoin d'évacuer ma haine en jouant avec d'autres. Peut-être serait-il capable de m'en empêcher. Ou peut-être était-il lui aussi un félin. Le plus grand des prédateurs. Son comportement m'intriguait de plus en plus, et sa manie de me cacher la moitié de ce qu'il était accentuait l'emprise étrange qu'il avait sur moi. Était-ce réellement moi, qui allait me mettre à jouer ? Était-ce réellement moi, le prédateur ? Je n'étais pas celui de nous deux qui faisait tourner la tête à l'autre.
Qui suis-je. Voilà la question qui s'ancra finalement dans mon esprit pour ne plus en ressortir. Jin Akanishi ne semblait devenir qu'un pseudonyme sous lequel je me réfugiais pour me réconforter, pour me rassurer sur le fait que, quoiqu'on y fasse, j'appartiendrai toujours à un groupe, à un endroit. Qui est-il. Qu'est-ce qui se cachait derrière son nom, à lui ? Est-ce qu'il avait le besoin de renier ce à quoi il appartenait ? Kazuya m'apparaissait finalement comme quelqu'un de complexe, et je me maudissais de n'avoir rien remarqué. J'étais égoïste. J'avais toujours été égoïste. J'avais relaté sans cesse mes problèmes et jamais je n'avais tenté de comprendre, de voir les siens.
Je revenais sur mes pas après avoir fait un tour, le temps de deux ou trois cigarettes. Il était là, assis sur le banc d'un blanc qui rayonnait au soleil, seul.
- Ils sont partis ?
- Non, ils sont invisibles.
- Imbécile.
Nous rîmes et je m'asseyais à ses côtés. Des tas de questions me brûlaient les lèvres et je me retenais pour ne pas qu'elles sortent l'une après l'autre. Ce n'était ni l'endroit, ni le moment. Inconsciemment, je ne voulais rien savoir de la vérité. Garder ce sentiment de flou autour de sa personne, continuer de voir son visage resplendissant panser mes plaies. Nous allions certainement devoir nous aider mutuellement. Nous faire avancer. Il se leva, me tendit la main pour que je le suive et nous fîmes le chemin inverse pour rentrer. Il s'arrêta dans de nombreuses ruelles pour me parler de ce qu'il aimait faire quand il passait par là, ce qu'il admirait le jour de noël, lorsque tout était illuminé. Ses yeux, ses yeux brillaient toujours. Comment pouvait-on soupçonner un gamin comme lui d'avoir quelques secrets ? Il avait cet air innocent que j'étais incapable de remettre en question. Et pourtant, au fil des jours, son visage si clair se renforçait et finissait par former une énigme impalpable dont je ne connaissais ni le raisonnement, ni le résultat final.
Une fois rentrés, il s'installa sur le canapé, comme d'habitude, journal en main.
- Oh, mais je sais !
- Tu sais quoi ?
- Ton boulot, sourit-il.
Je lui lançai un regard interrogateur pour qu'il m'en dise plus.
- Tu veux pas bosser au café ?
-Je sais pas si ...
- Ca ferait ressortir ton côté sociable, un peu, fit-il, le regard malicieux.
Un geste qui n'était pas des plus polis et son rire, c'est la seule chose qui accompagna ses mots. J'acceptai son idée. C'était déjà bien plus intéressant que ce que je faisais, et avec mon niveau d'études, il n'était de toute façon pas question pour moi de devenir PDG d'une grande entreprise. J'étais jeune. J'aurais le temps de monter en grade à l'avenir.
Profiter de l'instant présent. Voilà ce que je devais faire.
- Je suis pas sûr d'être pris, y'a déjà pas mal de personnel.
- Ca, c'est pas un problème, crois-moi. Je m'en charge.
- T'es serveur, comme tous les autres. Pourquoi t'aurais plus de pouvoir qu'eux ?
Il évita soigneusement mon regard, conscient que j'aborderai le sujet de n'importe quelle façon, même s'il aurait souhaité tout retarder. Il sourit timidement tout en allumant la télévision.
- Kazuya, c'est qui ton père ?
- C'est pas très important tu sais.
- Tu crois pas que la moindre des choses c'est que je me sente un peu moins ignorant face aux autres ?
Son esquisse de sourire se dissipa. J'avais marqué un point. Je ne pouvais pas lui faire découvrir ma vie parce qu'elle n'était ni rose, ni poignante, et encore moins intéressante à entendre. Il ne se passait rien de spécial chez moi, à vrai dire. Mais la sienne méritait à être connue. A être entendue. Au moins par moi.
- Tu connais Miharu Group ?
- L'immense groupe qui gère à peu près tous les comptes bancaires Japonais ?
- C'est ça.
Son regard se fit insistant alors que mon cerveau liait les informations l'une à l'autre. Il se réinstalla correctement dans le siège, la mine renfrognée, et augmenta le volume.
- T'es sérieux là ? Fis-je. Je n'en revenais toujours pas.
- Ouais. Mon père, c'est lui qui est à la tête de tout ça.
- Oh bor-del.
- Ca c'est sûr. C'est loin d'être tout clean chez nous.
A cet instant, j'aurais dû maudire ma foutue curiosité. *
LostMy-Way, Posté le lundi 24 janvier 2011 13:12
Hoshi-Yo a écrit : "
"Huhu. Kame EST louche, depuis le début. 8)
J'avoue que leurs passés ils sont pas cool. Mais tu connais mon engouement pour l'angst, j'y peux rien. Déjà là, ça me stresse de faire que du joyeux H24. Il est temps que ça change 8D #sors#
Ho oui je suis sadique. Merci ♥